Reportage(s) de Didier Vialard.

Notre ami Didier Vilard nous fait profiter en tant qu'ancien journaliste de LVA, d'un reportage qu'il avait réalisé il y a quelques années...

Chose exceptionnelle ce reportage est en vers !

Bravo et merci Didier


 

SANDFORD 1932

 

Remisé bien à l’ombre le chauffeur attend,

Pour qu’il le conduise vers le soleil couchant,

Pour que, de sa statique, il l'extraie un moment,

Et lui fasse revivre les belles routes d'avant.

Il lui faudra d'abord le contact allumer,

De même il pensera à ouvrir l'essence,

Amorcer le carbu sous le capot levé,

Puis vérifier alors, qu'il a la bonne avance.

Et seulement ensuite, la manivelle tourner.

Ce sont des conditions à ne pas négliger.

Là le novice hésite, il faut le coup de main,

Pour que d'un quart de tour le moteur se réveille,

 Et qu'à la compression soit utile l'étincelle,

Que les quatre cylindres subitement ne soient qu'un.

Bruit rageur, engageant, tu t'attardes à l'entendre.

Mais bien qu'il soit si beau tu enrages d'attendre.

Alors tu te faufiles dans l'étroit habitacle,

Le volant sur le ventre, et le coude au dehors,

Tu te vois grand pilote, et rêve de spectacle,

Réveillant dans ta course toute la ville qui dort.

GTI avant l'heure, le Sandford te provoque,

Te raconte une histoire, des souvenirs qu'il évoque.

Tu desserres le frein, enclenche la première,

Embrayant un peu sec, fais patiner l'arrière.

Ce n'est pas de ta faute si le sol est glissant,

Mais fais-y attention, ne pars pas en cirant !

 Ils s'appellent Ruby ces moteurs bien fougueux.

Comme ils sont performants on est bien sur fou d'eux.

Avec leur carbu au dos de la culasse,

Sur mille on les r'connait, c'est ce qui fait leur classe   

 Mais ce qui fait nos joies, c'est leur vitalité.

Courageux berlingot qui ne veut s'arrêter.

Et c'est toi découvrant ces belles capacités,

Qui limite la vitesse et relève le pied.

C'est qu'il faut s'adapter à ces trois roues seulement.

Car tu chopes de l'arrière ce qu'évite l'avant.

Fataliste tu dois être si tu veux continuer,

Fataliste tu seras, tu ne veux t'arrêter.

Cette nervosité, je parle du moteur

Et pas de l'émotion qui fait battre ton cœur,

Cette nervosité, donc dis-je, te stimule,

T'envahit, te transporte, t'aveugle, et tu brules

Dans ce kart d'un autre âge de te sentir lancé,

Et de voir le bitume par tes roues avalé.

Prends garde aux virages, surtout s'ils sont serrés.

Car tu n'as que trois roues, et une peut se lever.

Si elle se lève de trop toi tu peux te coucher.

Le Sandford en roulant n'est pas le lit rêvé.

Méfie-toi des tonneaux certains s'y sont brisés.

Rassure-toi quand même, car pour y arriver

A ces extrémités, il faut le faire exprès,

Ou être piètre chauffeur, ou bien être distrait.

Mais la bête est honnête, et elle colle à la route.

Même si des vibrations te font venir le doute,

Sa direction précise, et ses suspensions dures,

Font de ce beau trois roues une voiture bien sûre.

Cycle car avant tout, c'est une voiture bien sûr,

Une sportive d'un autre âge, avec les ingrédients,

Qui font qu'on la conduit avec le pied dedans.

Elle te donne vite confiance, car vois-tu elle est pure.

On dit qu'à cette époque des freins insuffisants,

Laissaient planer le doute d'un vrai ralentissement.

Mais Sandford a trois roues, et l'blocage postérieur,

N'a aucune influence, même s’il est brutal,

Sur la bonne trajectoire, même sinusoïdale,

Et tu restes bien en ligne, avec l'œil rieur.

De ce cocktail magique, moteur plus direction

Précise, et freins parfaits, rejetez le piéton

Que vous étiez avant. Chauffeur vous devenez,

Même pour un court instant, celui du temps du prêt,

De cette magique machine, pour laquelle vous êtes fait.

Cruelle destiné, car vos yeux vont s'user,

Sur les petites annonces de votre site préféré,

Jusqu'à temps qu'un Sandford vous y dénichiez...

 

DIDIER VIALARD.